GP DU JAPON
Valentino Rossi: «J’ai toujours été fort dans le corps à corps»
Rossi remporte un duel de prestige face à Lorenzo, celui qui va lui succéder au palmarès du championnat du monde dans une semaine. Interview à chaud d’un champion d’exception.
Jean-Claude Schertenleib - le 03 octobre 2010, 21h02
Le Matin
0 commentaires
Valentino, il y a deux semaines, en Aragon, vous avez présenté le drapeau blanc. Vous avez même affirmé que vous étiez prêt à aider votre équipier, Jorge Lorenzo, si cela devenait nécessaire. On se trompe, ou vous avez une drôle de façon de donner un coup de main?
Sincèrement, si on me l’avait demandé, j’étais prêt à me mettre à son service. Le problème est ailleurs: ces dernières semaines, j’étais trop loin pour qu’on ait besoin de moi.
Donc, vous avez voulu lui montrer que vous pouviez effectivement vous mêler à la bagarre?
Disons que, pour la première fois depuis le début de la saison, je me suis de nouveau retrouvé dans une position de vainqueur potentiel, en étant dans le coup dès les premiers essais. Et c’est le plus important.
Vous êtes déçu de cette troisième place?
Je suis surtout déçu parce que Lorenzo, dans le premier tour, a voulu me passer à un endroit impossible et que tous les deux, nous avons dû élargir nos trajectoires; alors que la course venait à peine de commencer, Stoner et Dovizioso s’étaient déjà échappés.
On y revient, vous attaquez votre équipier?
Loin de moi l’idée de le critiquer. Il a essayé, parce qu’un champion doit toujours essayer, mais c’était faux. Voilà tout.
Puis on arrive à ces deux derniers tours. Vous vous passez à plusieurs reprises, vous vous touchez deux fois. C’était fou, non?
C’était surtout du plaisir absolu. Spécialement parce que j’ai remporté le duel. J’ai toujours été très fort dans le corps à corps et je ne me rappelle pas avoir été battu par beaucoup d’adversaires dans un dernier tour. En revanche, j’ai désormais plus de peine à trouver tout de suite le bon rythme.
C’est dû à quoi?
Mais à mon âge, c’est que je deviens vieux, moi.
Si vieux que, dans une semaine, vous ne serez plus champion du monde?
Eh oui, dimanche en Malaisie, le héros, ce sera Jorge.
Et l’an prochain? Là, vous lui avez adressé un sérieux avertissement, non?
Attendez: Lorenzo a aussi été très agressif pendant cette course. Car une place sur le podium, c’était autant important pour lui que pour moi.
On revient à notre question: aujourd’hui, vous lui avez fait savoir que vous étiez encore là, oui ou non?
Tout le monde sait pourquoi je n’ai «plus été là» pendant la saison. Je domine les essais hivernaux, je gagne le premier GP puis, malheureusement, je me blesse à une épaule en m’entraînant en motocross la semaine suivant le GP du Qatar. Après, tout s’enchaîne. J’ai toujours été persuadé que ma chute du GP d’Italie était une conséquence de ce problème, cette blessure. Après, je rate des courses, je reviens en étant encore sérieusement diminué. Et on ne m’a pas attendu.
Parce que tout aurait été différent si vous n’aviez pas connu ces soucis?
On ne fait pas la course avec des «si», mais je suis persuadé que j’aurais joué le titre avec Jorge jusqu’au dernier GP.
Bon, parlons de cette épaule. Aujourd’hui, cela ne vous a pas gêné?
Le problème, ce n’est pas l’éventuelle douleur, c’est la fatigue. Depuis mon accident de ce printemps, d’un point de vue mécanique, mon épaule n’a plus la moindre stabilité. Donc, je dois compenser en utilisant d’autres muscles, ce qui provoque un excès de fatigue. Il n’y aura pas de miracles: je passerai par la salle d’opération cet hiver.
Ce podium, c’était si important?
Mais oui, parce que c’est la première fois depuis le GP du Qatar que je joue de nouveau un vrai rôle. Et même si je suis plus adversaire qu’ami avec Lorenzo, je vous garantis que je me serais battu de la même façon avec n’importe qui d’autre pour monter sur cette troisième marche.
Aegerter: une semaine très spéciale
«C’est fait»: dans le stand du team Technomag-CIP, on entend qu’un seul discours. Du propriétaire de l’équipe Alain Bronec au principal partenaire financier, Olivier Métraux, en passant par Dominique Aegerter. «C’est fait»: ce GP du Japon que tout le monde redoutait, après le drame de Misano qui a coûté la vie à l’équipier du jeune Bernois, est terminé. Par une douzième place courageuse: «Ce fut une semaine très spéciale, avec la visite au domicile de Shoya, puis la venue de ses parents, qui ont été formidables avec nous tout le week-end», confie Aegerter. Pour la course, hier, toute la famille était là. Et, la ligne d’arrivée passée, un gigantesque drapeau avec le numéro 48 du pilote disparu attendait sur le bord de la piste.
Techniquement, comme d’autres, Aegerter a connu des soucis d’adhérence. Moralement, à 20 ans, l’espoir suisse a connu une expérience qu’il n’oubliera jamais: «Ce matin encore, lors de la cérémonie officielle organisée sur le podium, l’émotion était immense», explique Olivier Métraux, qui a remis le challenge qui porte le nom de feu son père à M. et Mme Tomizawa, qui ont également reçu une plaque avec le fameux numéro 48 de leur fils. Et tous, dans l’entourage de l’équipe, garderont l’image positive véhiculée par la famille du défunt. Une leçon, une vraie leçon.